01/11/2024
📖 **BÉCON-LES-BRUYÈRES d'Emmanuel BOVE**
Quand Emmanuel Bove publie *Bécon-les-Bruyères* en 1927, il a 29 ans et déjà deux livres à son actif, dont *Mes Amis*, couronné du prestigieux Prix Figuière, et *Armand*. Lorsqu'on lui propose de rédiger un texte pour la collection "Portraits de la France", au lieu de choisir un récit de voyage classique, Bove opte de manière singulière pour... Bécon-les-Bruyères ! 🏙️ Emmanuel Bove vivait alors à Courbevoie, en banlieue parisienne, et n'ira pas plus loin. Plutôt que de céder à l'exotisme des récits d'évasion, il préfère observer un lieu "sans qualité", annonçant un genre nouveau, la **littérature documentaire**. 📸
Archétype de toutes les banlieues, Bécon-les-Bruyères (un lieu-dit à cheval sur Courbevoie et Asnières) "existe à peine". Mais cette banalité n'effraie pas Bove, qui va donner vie à ce « non-lieu » sans événements spectaculaires, terne et déserté, comme si la vie l'avait quitté. 🌫️ En traversant ce no man's land, Bove décrit minutieusement une enquête sans énigme, capturant des instantanés de ce monde effacé. Il y cherche des traces de vie, même s'il doute d'en trouver, enregistrant les signes d'une désolation poignante. Il dresse ainsi le portrait d'une communauté en quête d'identité, un sentiment qui deviendra central dans la littérature de l'après-guerre : celui de **l'étrangeté**. 🌍
> « *Bécon-les-Bruyères est pour moi le plus grand de tous les textes de Bove. Un texte à lire absolument. Il décrit une banlieue mythique et, en même temps, son écriture est absolument modeste. C’est la banlieue absolue.* »
— **Peter Handke**, *Les Nouvelles littéraires*, octobre 1983
Écrivain prolifique révélé par Colette, Bove connaît le succès de son vivant avant de tomber dans l'oubli. Dans les années 1980, Peter Handke redécouvre son œuvre et dira de *Bécon-les-Bruyères* : « Pour moi, c’est son chef-d’œuvre, car il n’y a pas de personnages minables comme dans *Mes Amis* ou *Armand*. Il n'y a que l'endroit, vaste et lumineux, à peupler par le lecteur peut-être. » 🌇
Ce bijou de Bove, à la fois célèbre de nom mais méconnu, s'écarte du roman classique et adopte une nouvelle distance face au monde. Sans renoncer au récit, il pare la banlieue de tous les fantasmes dans ce **documentaire-fiction**. C’est pour fuir une gloire qui l'effraie, née du succès de ses premiers romans, que Bove se concentre sur « ce lieu qui n'existe que par le nom de sa gare » et le sublime en l'observant avec minutie, prouvant qu’un grand écrivain peut transformer une contrainte en art. ✍️✨
Avec son regard ironique, Bove pose sur cette "non-ville" une provocation discrète et un regard typiquement « bovien », explorant la vie des gens simples pour leur donner une place unique dans la littérature du XXe siècle. Ce livre d’un "habitante fantomatique" sur une ville banale réussit le prodige de nous faire voyager, non pas par le mouvement, mais par la découverte d'un sentiment profond de **dépaysement** : être le même, mais ailleurs. 🛤️
Alors, si votre regard a un jour croisé le panneau SNCF de la gare de Bécon-les-Bruyères au départ de la Gare Saint-Lazare, laissez-vous tenter par ce petit texte fascinant, dont le souvenir vous poursuivra longtemps.
Bécon les bruyères