11/27/2025
🌑 Épisode Final – Le prix du serment brisé
Le ciel était lourd ce soir-là.
Les nuages, noirs comme le deuil, étouffaient les étoiles.
Dans le village , on ne chantait plus. On attendait.
Car le sang allait peut-être tomber.
Adjoa, belle et forte, se tenait entre deux mondes : celui de l’amour et celui des ancêtres.
Tano, son frère, fils du chef, portait une lance peinte de noir, couleur du serment ancestral.
Et Koffi, l’homme qu’elle aimait, tenait sa main tremblante.
Le cercle des anciens était silencieux.
Même les enfants, d’habitude curieux, se cachaient derrière les pagnes de leurs mères.
— Tu as rompu le pacte, Adjoa, dit Tano en frappant le sol de son bâton.
— Le sang appelle le sang. Le choix est fait.
Adjoa se leva, la tête droite, les larmes perlant aux coins de ses yeux sans jamais tomber.
— Si l’amour est une faute, alors je choisis de mourir coupable.
Car vivre sans amour, c’est mourir mille fois dans le silence.
Tano baissa les yeux. Mais sa main ne tremblait pas.
Il avança.
Koffi cria.
— Non ! Ne fais pas ça ! Elle est ton sang !
Mais la tradition…
…ne connaît pas les tremblements du cœur.
Un éclair traversa le ciel.
Et puis, un cri.
Sec. Brutal. Étouffé.
Adjoa tomba, dans les bras de Koffi, son pagne blanc se teintant lentement de rouge.
Elle sourit… une dernière fois.
— Je t’attendrai… de l’autre côté de la rivière.
Là où l’amour n’a pas besoin de se cacher.
Son souffle s’éteignit comme une flamme dans le vent.
Et le silence retomba. Plus épais que la nuit.
Tano resta figé. Il lâcha sa lance.
Ses genoux heurtèrent la terre.
Ses yeux se perdirent dans le vide, comme s’il avait vu les esprits lui tourner le dos.
— Qu’ai-je fait ?
— Qu’ai-je fait ?!
Il hurla. Un hurlement si profond que les oiseaux quittèrent les arbres.
Depuis ce jour, il ne parla plus jamais.
Il errait entre les cases, nu-pieds, murmurant le nom de sa sœur à l’aube comme un chant maudit.
Koffi, quant à lui, enterra Adjoa au bord de la lagune, sous un baobab aux fleurs rouges.
Il planta un collier d’ébène sur sa tombe.
Et ne se maria jamais.
Chaque année, à l,anniversaire de sa mort, il venait y chanter une berceuse Apollo.
Les enfants l’écoutaient en silence, même sans comprendre les mots.
À Djoboué, la nouvelle de l'affront de Tano, de son échec à ramener sa sœur, se répandit comme une maladie. La mère d’Adjoa, brisée par la honte et le chagrin de la perte de sa fille, cessa de parler à son mari. Le chef N'Dia, accablé par l'humiliation et le désarroi, sombra dans la boisson et le tabac, son autorité s'effritant chaque jour un peu plus. Son frère, observant sa faiblesse, complota en silence et le détrôna sans effusion de sang.
Le silence s’installa alors sur la maison du chef déchu, un silence lourd, permanent. Ni rire, ni chant ne résonnèrent plus. Juste le vent, qui portait les murmures du regret, et le poids écrasant d'un honneur bafoué.